La santé des dirigeants

 

 

 

 

Un programme fondé sur l'être au cœur du vécu à haute portée humaine

Olivier Torrès

Olivier Torrès

Chargé du programme

Olivier Torrès est professeur en management des PME à l’Université de Montpellier et à Montpellier Business School. PMiste depuis toujours, il défend l’idée que les PME sont le cœur de l’économie réelle, bien que souvent négligées par les théories économiques classiques.

Pionnier dans l’étude de la santé des dirigeants, il a fondé l’Observatoire Amarok, première structure scientifique dédiée au bien-être des entrepreneurs. Ses recherches, ancrées dans plus de 120 publications, éclairent des phénomènes comme le burn-out, le technostress ou encore la recovery.

Engagé, innovant, reconnu, Olivier Torrès donne à la recherche en entrepreneuriat une dimension humaine et existentielle.

Membres de l'équipe

AUGUSTIN Bernard Marie, BARLETTE Yves, BENZARI Alexandre, BUGAUT Stéphanie, DEBRAY Caroline, ESTEVE Jean Marie, FADOULI Intissar, JAOUEN Annabelle, KAGEURA Chihiro, KHEDHAOURIA Anis, LE MOAL Mathieu, MUKERJEE Jinia, REJEB Nada, SWALHI Abdelaziz, THURIK Roy.

Problématique et fondements scientifiques

            Ce programme est le fruit de quinze années de recherche menées au sein de l’Observatoire AMAROK sur la santé des dirigeants. Il s’appuie sur une base empirique solide, forgée au fil de la direction de onze thèses doctorales et de plus d’une cinquantaine d’articles scientifiques. L’ensemble de ces travaux nous conduit à proposer une lecture nouvelle de l’acte d’entreprendre, centrée sur son intensité existentielle.

            Dans la plupart des approches classiques, l’entrepreneuriat est envisagé à travers les prismes de la création de valeur, de la gestion du risque, de la saisie d’une opportunité ou de la mobilisation des ressources. Or, pour de nombreux entrepreneurs, l’engagement dans l’entreprise ne se résume pas à une rationalité économique. Il engage l’individu dans sa totalité. Créer, reprendre ou diriger une entreprise revient souvent à inscrire son existence dans un projet qui dépasse les logiques d’opportunité. Qu’il soit choisi ou subi, l’acte entrepreneurial engage l’être : les entrepreneurs de nécessité ne s’investissent pas moins existentiellement que ceux qui saisissent une opportunité. Dans les deux cas, l’entreprise devient un prolongement de soi, une manière d’habiter le monde, parfois une tentative de lutte contre le vide ou la contingence.

            Ce constat nous a conduits à forger le concept d’Existenzgründung, c’est-à-dire l’idée que l’acte entrepreneurial constitue, chez de très nombreux dirigeants, une fondation de l’existence, au sens fort du terme.

            Dans cette perspective, la santé du dirigeant prend une signification particulière. Elle ne renvoie pas seulement à une capacité à faire face à la charge de travail, mais devient le symptôme d’une tension entre ce que l’entrepreneur veut être, ce qu’il peut supporter et ce que la réalité lui impose. L’entrepreneur se construit à travers ce qu’il fait. Il ne se contente pas d’agir ; il se définit par ses actes. En ce sens, c’est en faisant ce qu’il fait qu’il devient ce qu’il est. Cette logique d’auto-fondation donne à l’entrepreneuriat une portée existentielle, mais elle a aussi un coût invisible : elle engage profondément la santé mentale et physique du dirigeant.

            Plus l’action est intense, plus le lien à l’entreprise est fusionnel. L’entreprise devient le reflet de soi, ce qui rend chaque succès euphorisant, chaque difficulté écrasante. Cette identification produit un ascenseur émotionnel permanent, fait de pics d’exaltation et de creux d’abattement. Les dirigeants expérimentent souvent une forme de montagnes russes psychiques, avec des hauts très hauts (lancement, victoire, reconnaissance) et des bas très bas (solitude, échec, pression financière). Cette alternance extrême, lorsqu’elle dure, épuise les ressources internes.

            Parce que l’entrepreneur devient ce qu’il fait, sa santé devient tributaire de ce qu’il vit dans l’entreprise. Il est alors essentiel de reconnaître que son équilibre ne dépend pas seulement d’un mode de vie ou d’une hygiène psychologique, mais aussi du sens qu’il attribue à son action, du degré de fusion identitaire et de sa capacité à poser des limites face à un engagement totalisant.

            Le programme que nous proposons vise ainsi à éclairer les dimensions existentielles de l’engagement entrepreneurial, en plaçant la santé – physique, psychique, relationnelle – comme une voie d’accès privilégiée à la compréhension de cette condition singulière qu’est celle de l’Existenzgründer.

Voies de recherche

Le rapport existentiel à l’entreprise, défini par l’intensité du lien identitaire, influence fortement la capacité d’un dirigeant à résister au stress chronique ou à la lassitude.

L’épuisement du dirigeant ne s’explique pas seulement par la surcharge de travail, mais peut traduire une altération du sens donné à son action. Ce burnout prend alors la forme d’une crise existentielle.

Certaines pratiques de récupération permettent un véritable recentrage personnel lorsqu’elles sont investies subjectivement comme des moments de ressourcement intérieur.

Il existe des formes différenciées d’Existenzgründung selon les histoires de vie, les motivations initiales et les types d’engagement, mais on observe un fond commun de projection de soi dans l’entreprise.

Retombées attendues

Sur le plan théorique, il propose une grille de lecture nouvelle, fondée sur l’idée que l’acte entrepreneurial engage l’être dans sa totalité. L’Existenzgründer devient une figure conceptuelle permettant d’unifier différentes trajectoires entrepreneuriales autour d’une logique existentielle et son impact sur la santé.

Sur le plan empirique, il permet de mieux comprendre les ressorts de la souffrance -mauvaise santé existentielle, mais aussi les voies de la salutogenèse -bonne santé existentielle.

Sur le plan opérationnel, notre approche existentielle a inspiré la création de dispositifs concrets tels qu’Amarok e-Santé, Amarok e-Santé Agri et, plus récemment, Amarok e-Santé Maires. Ces outils sont fondés sur la théorie des événements de vie, selon laquelle la santé d’un individu est fortement influencée par ce qu’il vit et par ce qu’il fait. Cette conception, en résonance directe avec l’idée existentialiste que l’être se définit par ses actes, permet de mieux accompagner les dirigeants dans les moments de bascule ou de fragilité, en tenant compte du sens qu’ils donnent à leur action et de la manière dont ils s’y engagent corporellement et psychiquement.

Lorsque le Professeur Torrès nous a présenté son projet, j’ai trouvé que les solutions étaient innovantes et qu’elles allaient dans le bon sens. A la lecture de ces données scientifiques, nous pouvons affirmer qu’exercer le mandat de maire est une aventure exceptionnelle sur le plan humain.

Michel Fournier

Président de l'AMRF